Dans ce premier numéro du mois de mars de l’année 2003, la lettre comptable propose une réponse à la question de savoir si la comptabilité constitue un ensemble de techniques ou si elle relève désormais du domaine des sciences humaines.

La comptabilité est-elle une science ?

Pendant de longues périodes, de nombreux professionnels ont pris la comptabilité pour une technique achevée. Si l’on caricature à l’extrême, l’autosuffisance de certains comptables n’avait d’égale que l’image négative que retenaient les « scientifiques » des comptables. Et pourtant, le domaine comptable est bien la reconnaissance puis la mesure de la valeur en vue de sa représentation qui a toujours été, qui reste et qui sera l’une des problématiques clefs des disciplines économiques.

La comptabilité qui a pour objet de mesurer et de représenter la valeur, en adoptant une méthode objective et vérifiable, ne saurait prétendre apporter des solutions ni univoques ni définitives à des réalités difficilement saisissables et en perpétuel changement.

La différence entre aujourd’hui et hier, c’est la prise de conscience autant des potentialités d’analyse comptable que des limites inhérentes à toute approche de mesure et de représentation de la valeur.

Nous passons, en somme, de la certitude quelquefois stupide vers l’incertitude intelligente et créatrice. Cette évolution s’inscrit naturellement dans la lignée de l’économie de marché qui repose sur l’incertitude et la recherche successive des équilibres.

La comptabilité : art, technique ou science ?

A cette interrogation, Léo-paul Lauzon (1), un des gourous de l’expertise comptable au Canada, apporte une réponse mitigée.

Dans ce sens, la comptabilité serait à la fois un art, une technique et une science !

La comptabilité, un art : L’art peut être défini ainsi :

- « Un ensemble de moyens, de procédés de règles qui tendent à une certaine fin ».

- « Ce que l’être humain ajoute à la nature, ce qui est artificiel ».

- « Un ensemble de connaissances et de règles d’action dans un domaine particulier ».

- « Une discipline où le travail de l’esprit tient la plus grande part ».

Mais, s’il est vrai que la pratique de la comptabilité nécessite un certain art du comptable, l’art est une discipline qui peut s’exercer sans être liée à un impératif d’utilité, contrairement à la comptabilité dont l’utilité constitue la raison d’être et la base des fondements théoriques et pratiques.

La comptabilité, une technique : La technique peut avoir les définitions suivantes :

- « Ce qui appartient à un domaine particulier, spécialisé de l’activité ou de la connaissance ».

- « Ce qui dans le domaine de l’art, concerne les procédés de travail et d’expression plus que l’inspiration ».

- « Ce qui concerne les applications de la connaissances théorique ».

- « Un ensemble de procédés employés pour produire une œuvre ou obtenir un résultat déterminé ».

Technique, la comptabilité l’est certes en tant qu’application d’une théorie générale comptable dont les composantes se précisent de plus en plus.

La comptabilité, une science : La science peut avoir les définitions suivantes :

- « Connaissances exacte et approfondie ».

- « Art ou technique qui nécessite des connaissances ou des règles ».

- « Savoir-faire que donnent les connaissances (expérimentales ou livresques) l’habileté ».

- « Ensemble de connaissances ayant un objet déterminé et reconnu, et une méthode propre ».

- « Ensemble de connaissance, d’études d’une valeur universelle, caractérisées par un objet ou une méthode déterminés et fondées sur des relations objectives et vérifiables ».

- « Connaissance exacte, universelle et vérifiable exprimée par des lois ».

Après avoir défini l’art, la technique et la science, le Professeur Lauzon conclut que « la comptabilité est à la fois une science sociale et une science appliquée :

Science sociale :

- Elle est une activité humaine, une création de l’être humain.

- Elle rend compte de phénomènes, d’activités, d’évènements et de faits sociaux.

- Elle s’adresse à différents groupes d’utilisateurs qui font partie intégrante de la société.

- Elle produit des comptes rendus qui ont un impact sur la société et qui modifient le comportement des individus. Ces comptes rendus produiront inévitablement des mutations ou des changements sociaux.

- Elle puise son information d’entités qui font définitivement partie de la société. Ces agents sont des agents sociaux.

- Elle est directement tributaire ou influencée par les phénomènes sociaux.

Science appliquée :

- Elle agit dans un environnement réel et concret et rend donc compte de phénomènes réels.

- Elle demande d’appliquer les connaissances acquises. Les connaissances théoriques sont appliquées dans le monde réel.

En conclusion :

La comptabilité est une science parce qu’elle a pour objet de reconnaître et de mesurer les phénomènes économiques de l’entreprise. Pour ce faire, il faut effectuer les divers choix nécessaires de la façon la plus rationnelle possible pour que l’on puisse rechercher quelle est la solution optimale à un problème de reconnaissance et de mesure de l’activité économique de l’entreprise.

A l’instar de l’économie, la comptabilité devient aussi une science du comportement et explique les phénomènes de management des entreprises à partir des décisions sous contraintes.

La comptabilité est également une science parce qu’elle est susceptible de confrontation avec la réalité empirique : quand on affirme, on doit pouvoir constater la validité de son affirmation ; on doit observer la régularité du comportement  et des hypothèses établies.

Mais la science comptable demeure une science humaine dans laquelle l’expérimentation est plus difficile que dans les sciences physiques.

(1) Léo-Paul Lauzon, Le cadre théorique de la comptabilité financière, Gaëtan Morin, Canada

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