LE PILOTAGE DU SYSTEME DE CONTROLE INTERNE : DEMARCHE, OUTILS ET ROLE DE L’EXPERT-COMPTABLE

 

 

 

 Par : Makram YAICH

Diplômé en expertise comptable

Ingénieur

 

 

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 INTRODUCTION

 

Le contrôle interne n’a jamais fait autant l’objet de réflexions, de recherches et de débats que depuis l’apparition des grands scandales financiers. Différentes réglementations (Sarbanes Oxley, loi de sécurité financière, directives Européennes, etc…) et plusieurs recherches ont fait du contrôle interne un élément clef en matière de gouvernance, de maîtrise des risques et de reporting financier fiable. Les échecs et les faillites ont poussé les acteurs économiques à reconnaitre davantage l’importance du contrôle interne et le rôle qu’il joue dans l’organisation, dans l’efficacité et dans l’efficience des entreprises.

Dans un environnement économique en perpétuelle mutation, avec la montée en puissance de l’utilisation des nouvelles technologies, la globalisation, l’augmentation des incertitudes et des risques, le déficit en mode comportemental des hommes, la crise financière et économique mondiale et plusieurs autres facteurs, la rentabilité et la survie même des entreprises dépendront de leur efficacité, de leur degré d’adaptation aux conditions du marché et de leur capacité à gérer les risques et à réagir en temps opportun aux changements et aux menaces. Le contrôle interne peut jouer un rôle déterminant dans ce contexte, en dotant l’entreprise d’un outil de pilotage pertinent pour l’aider à atteindre ses objectifs. Dans ce sens, Abderraouf YAICH avance que «l’organisation, dont le système de contrôle interne constitue une composante clef, est un des plus grands facteurs d’efficacité dont peut disposer une entreprise pour réaliser ses objectifs» (1).

Toutefois, pour aider au pilotage de l’entreprise, le système de contrôle interne doit être efficace. En tant que garant de l’efficacité du système, le pilotage du système de contrôle interne apparaît donc comme étant un élément indispensable à l’efficacité d’une entreprise. Dans un environnement dominé par l’incertitude et les changements rapides, tout système de contrôle interne doit, en effet, être doté d’un dispositif de pilotage lui permettant de s’adapter à toutes les évolutions de l’environnement et aux conditions dans lesquelles il fonctionne, ainsi que de détecter toutes les défaillances dans la conception ou l’application des procédures de contrôle. Sans un tel dispositif, le système de contrôle interne peut, avec le temps, perdre son efficacité et ne plus être capable de faire face aux risques, liés aux objectifs de l’organisation, qui peuvent eux mêmes évoluer en fonction des circonstances et des conditions de l’entreprise et du marché.

Selon le rapport publié par le «Committee of Sponsoring Organizations of the Treadway» (COSO) aux Etats-Unis en 1992, «les systèmes de contrôle interne et, éventuellement, la façon dont les contrôles sont appliqués, évoluent avec le temps. Des procédures qui étaient efficaces à un moment donné peuvent se révéler insuffisantes ou ne plus être appliquées. Ceci peut être dû à des mouvements de personnel, à une moindre efficacité de la formation interne ou des techniques de supervision, à des contraintes de temps et de moyens ou à une pression accrue. En outre, le système de contrôle interne a pu être conçu, à l’origine, pour répondre à une situation donnée maintenant dépassée, ce qui réduit sa capacité à signaler les risques attachés à des conditions nouvelles. Le management devra donc déterminer si le système de contrôle interne est toujours pertinent et à même de s’appliquer à de nouveaux risques» (2).

Bien que le pilotage soit un élément essentiel pour assurer l’efficacité du système de contrôle interne, plusieurs entreprises ne disposent pas d’un système de pilotage structuré et organisé, ou ne l’utilisent pas convenablement du fait qu’il soit mal appliqué, mal conçu ou non apprécié à sa juste valeur. De ce fait, de telles entreprises se trouvent, généralement avec le temps, handicapées par des défaillances et des faiblesses de contrôle pouvant affecter la réalisation de leurs objectifs. Ceci pourra avoir de lourdes conséquences, si des mutations importantes interviennent dans l’entreprise, comme par exemple, une évolution rapide de la taille ou du chiffre d’affaires, l’introduction de nouveaux produits ou lignes de services, des changements importants au niveau de l’environnement interne ou externe, au niveau de la direction, ou encore de la technologie, etc…

En tant que spécialiste du contrôle interne, l’expert-comptable est bien placé pour jouer un rôle important dans le processus de pilotage, en apportant aux entreprises l’aide, l’assistance et l’expertise nécessaires. Néanmoins, les missions portant sur le contrôle interne sont peu développées en Tunisie, bien que le besoin pour ce type de prestations soit de plus en plus éprouvé.

Une recherche professionnelle au sujet du pilotage du système de contrôle interne est, par conséquent, d’une grande utilité aussi bien pour les entreprises que pour la profession comptable. Dans cette recherche, nous mettons l’accent sur l’importance du pilotage pour l’efficacité du système de contrôle interne ainsi que sur l’identification des différents outils de pilotage et nous proposons une démarche de réalisation et de mise en place d’un dispositif de pilotage. De même, la présentation des différentes missions pouvant être accomplies par l’expert-comptable pour aider les entreprises dans la conception et la mise en œuvre des procédures et des outils de pilotage du système de contrôle interne est d’une utilité certaine pour la profession d’experts comptables.

Ainsi, notre mémoire est structuré en deux parties.

La première partie est consacrée à la définition et aux limites d’un système de contrôle interne ainsi qu’à l’identification des éléments nécessaires pour assurer son efficacité. Nous mettrons l’accent sur l’importance du pilotage du système de contrôle interne ainsi que sur la définition des différentes fonctions qu’il assure. De même, nous présenterons une démarche pour la réalisation du pilotage. Cette partie sera scindée en deux chapitres :

Le premier chapitre comportera, en premier lieu, la définition du système de contrôle interne, ses limites et la détermination des éléments d’un système efficace. En deuxième lieu, il traitera de l’importance du pilotage pour l’efficacité du système de contrôle interne et de l’identification de ses fonctions.

Au deuxième chapitre, nous présenterons la démarche de pilotage du système de contrôle interne. Cette démarche commence par la préparation d’une base pour le pilotage ou un environnement comprenant, le ton de la direction, la structure organisationnelle et une compréhension de base de l’efficacité du contrôle interne. En deuxième lieu, nous étudierons la démarche de conception et de mise en œuvre d’un pilotage efficace du système de contrôle interne. Cette démarche commence par une classification des risques par priorité et l’identification des contrôles clés, puis, la détermination des informations probantes et la conception des outils et en fin la mise en œuvre des procédures de pilotage. La démarche est complétée par la communication des résultats qui comporte l’organisation d’un système de reporting, l’identification des informations à communiquer et les personnes devant être informées.

Dans la deuxième partie, nous présenterons les différents outils de pilotage du système de contrôle interne, avant d’étudier les différentes missions pouvant être accomplies par l’expert-comptable pour aider les entreprises dans la conception et la mise en œuvre du processus de pilotage de leur système de contrôle interne. Cette partie comportera, donc, deux chapitres :

Le premier chapitre est consacré aux outils de pilotage du système de contrôle interne. Nous essayerons dans ce chapitre d’étudier les différents outils de pilotage du système, les critères de choix entre différents outils et différentes procédures de pilotage en fonction du risque, des contrôles et du contexte de l’entreprise. Nous étudierons, également, l’impact des nouvelles technologies et leur utilisation pour les besoins du pilotage. Nous présenterons, par la suite, les différentes modalités d’évaluation de l’efficacité du système de contrôle interne. Nous essayerons donc de répondre aux questions, comment s’auto-évaluer et dans quel cas une entreprise doit faire appel à des tiers pour évaluer l’efficacité du système de contrôle interne.

Nous présenterons, également, les avantages de l’exploitation d’une base des incidents et des anomalies. Dans la troisième section de ce chapitre, nous étudierons le pilotage par l’audit (audit interne, comité d’audit, audit opérationnel et audit externe).

Le deuxième chapitre présente le rôle de l’expert-comptable dans la conception, la mise en œuvre, l’évaluation et l’amélioration du pilotage du système de contrôle interne. Le rôle de l’expert-comptable peut être classifié en trois catégories de mission :

- des missions en relation avec la conception et la mise en œuvre du pilotage ;

- des missions d’évaluation et d’amélioration du système de pilotage du contrôle interne ; et

- des missions de certification du système de contrôle interne.

Dan ce chapitre, nous allons examiner l’apport et l’étendue des ces différentes missions ainsi que la démarche à suivre et les moyens nécessaires pour que l’expert-comptable puisse accomplir ses travaux avec efficacité et diligences.

Le mémoire est enrichi par une enquête à l’aide d’un questionnaire de type fermé. La population interrogée est composée d’un échantillon représentatif des entreprises (chefs et cadres d’entreprises) et un échantillon représentatif des experts-comptables. Les résultats de l’enquête sont exposés tout au long de ce mémoire.


1 Abderraouf YAICH, Normes, pratiques et procédures de contrôle interne, 1996, page 1.

2 COSO I , Internal Control - Integrated framework, traduit en français par l’IFACI, PricewaterhouseCoopers et LANDWEL, la pratique du contrôle interne, édition d’organisation, deuxième édition, 2004, page 95.