L’audit fiscal dans les pme : PROPOSITION d’une démarche pour l’expert-comptable

 

 

 

 Par : Mohamed Ben Hadj Saad

Diplômé en expertise comptable

 

 

 

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 INTRODUCTION

 

Souvent subie et vécue comme source de risque, la fiscalité a été pendant de nombreuses années considérée comme une dimension complexe et coûteuse. Peu à peu, la perception de la fiscalité a évolué[1]. Elle a évolué dans le sens d'une attention plus grande portée aux questions touchant à la sécurité juridique des opérations de l'entreprise. La fiscalité étant l'objet d'une réglementation complexe dont la mise en œuvre est source de contrôle mais également de sanction de la part de l'administration, les enjeux financiers de la fiscalité dans l'entreprise sont apparus rapidement.

Par voie de conséquence, l'attention des dirigeants a porté prioritairement sur la détermination et la gestion du risque fiscal.

Le risque fiscal trouve naturellement son origine dans la complexité des règles applicables, mais bien évidemment aussi dans la façon qu'a l'entreprise de les appréhender dans le cadre de sa politique fiscale[2].

La notion du risque fiscal englobe, en fait, deux acceptations: La première correspond au non respect, volontaire ou non, des règles fiscales et à la méconnaissance d'une disposition favorable qui peut générer un manque à gagner fiscal. Ce risque, comportant un risque sanction et un risque perte d'opportunité, est appelé par J.L.Rossignol et T.T.Kim Anh « risque de sanction fiscale », alors que le second risque[3] appelé « risque de sanction générale» repose sur le fait que les choix fiscaux sont porteurs d'incidences au-delà du seul domaine fiscal en cas de discordance entre la stratégie fiscale et la stratégie globale de l'entreprise.

De même, le développement de l'entité, qu'il s'opère par le biais d'une stratégie interne ou externe, est lui-même source de risques. Dans le cadre d'une stratégie d'intégration verticale et/ou horizontale, la question des flux intergroupes constitue un enjeu fiscal de toute première importance dont les implications sont tout à la fois stratégiques, opérationnelles et organisationnelles[4]. Ainsi, l'organisation de l'administration en fonction même du risque contribue à élever le niveau de risque. La mise en place de nouvelles applications informatiques ainsi que la création de la direction des grandes entreprises s'inscrivent dans une perspective de réduction et de contrôle des risques fiscaux.

Pour toutes ces considérations, la prévention des risques fiscaux suppose la mise en place ou le recours à certaines mesures dont notamment:

·        L'implémentation de procédures fiscales ;

·        La formalisation du processus de gestion du risque fiscal;

·        La mise à disposition des ressources suffisantes à la gestion fiscale;

·        La documentation et l'archivage (dossier fiscal);

·        La concertation et la communication;

·        L'audit fiscal.

L'audit fiscal est un outil de détection des risques fiscaux et d'amélioration de la gestion des risques par les mesures correctrices qu'il peut suggérer.

Bien que nécessairement différent du contrôle fiscal, l'intérêt de recours à l'audit fiscal se justifie soit pour:

§         Se préparer au mieux aux contrôles fiscaux. A cet effet l'audit fiscal apporte une  information sur l'existence ou l'absence du risque fiscal et, le cas échéant, sur l'ampleur d'un tel risque. Bien que la périodicité de cette mission est déterminée par le client en indiquant si la mission envisagée est une mission à caractère ponctuel ou au contraire une mission impliquant de la part de l'auditeur fiscal des interventions périodiques dans le cadre, par exemple, d'un contrôle annuel de la régularité fiscale, l'audit fiscal à blanc ( mock tax audit  ) s'exerce par les PME généralement d'une façon ponctuelle c'est-à-dire ou bien avant la demande de restitution d'un crédit d'impôt ou avant le contrôle fiscal exercé par l'administration ou juste avant la période de prescription.

§         La gestion du risque fiscal constitue, dans le contexte économique actuel, une partie intégrante de la gestion des risques de l'entreprise[5]. En effet, le risque fiscal génère non seulement des conséquences financières mais peut nuire fortement à la réputation de l'entreprise[6]. A cet égard, l'audit fiscal, en proposant un diagnostic fiscal, peut s’inscrire aussi dans une perspective de gestion des risques fiscaux (Managing Tax Risk).

§         Déterminer la clause de garantie de passif en cas d'opérations d'acquisition  d'entreprises. Les opérations d'acquisition se sont multipliées dans les dernières années sous l'impulsion des fonds d'investissement et dans le cadre de la croissance externe des grands groupes[7]. Parmi les zones de risques susceptibles de receler des passifs latents pour l'acquéreur potentiel, la fiscalité figure en bonne place dans la mesure où un contrôle fiscal survenant après l'acquisition peut, s'il entraîne des conséquences significatives, remettre en cause l'équilibre financier de la transaction[8]. L'acquéreur doit se prémunir  contre de tels risques en vérifiant que la cible s'est correctement acquittée de ses obligations fiscales, tout risque avéré étant un élément de nature à entraîner une réduction de prix de vente[9]. Cette démarche est le plus souvent complétée par l'insertion dans l'acte de cession d'une clause de garantie de passif. La clause de garantie de passif couvre généralement les risques fiscaux. En fonction de la portée de cette clause, les travaux d'audit fiscal revêtent une importance plus ou moins cruciale.

Dans cette perspective, un mémoire sur l'audit fiscal présente un double intérêt incontestable aussi bien pour l'entreprise que pour l'expert-comptable:

- D'abord, pour l'entreprise, une gestion du risque fiscal efficace permet de minimiser l'impôt dans un cadre de réduction du risque fiscal, et

- Ensuite, pour l'expert-comptable/auditeur fiscal, en proposant une démarche permettant de mieux gérer la mission d'audit fiscal, d'augmenter sa valeur ajoutée pour le client et de maîtriser les risques liés à la mission.

A cet effet, notre mémoire vise à répondre à deux objectifs:

1.      D'une part, mettre en relief l'utilité de l'audit fiscal pour aider l'entreprise à améliorer la gestion de son risque fiscal.

En dehors du contrôle fiscal de l'administration, l'audit fiscal est une mission spécialisée permettant d'obtenir des indications sur l'ampleur du risque encouru par l'entreprise. Il vise donc à identifier les risques fiscaux auxquels s'exposent l'entreprise et permet aussi l'évaluation de sa gestion fiscale. C'est à travers ces deux objectifs qui font l'essence même de l'audit fiscal que le risque fiscal peut être appréhendé de façon proactive. Dans cette perspective préventive, l'expert-comptable peut être appelé à mener une mission d'audit fiscal[10].

2.      D'autre part, proposer à l'expert-comptable une démarche et des techniques d'audit fiscal efficaces et à valeur ajoutée.

Le deuxième objectif du présent mémoire est de proposer à l'expert-comptable une démarche et des techniques d'audit fiscal basées sur les risques permettant de recueillir et de réunir des éléments probants sur le risque fiscal de l'entreprise et de donner une valeur ajoutée à sa mission ainsi que de gérer les risques liés à la mission avec compétence et professionnalisme.

C’est donc sous le double angle de l’entreprise et de l’expert-comptable que le présent mémoire est scindé en deux parties.

La première partie est consacrée au cadre conceptuel de l'audit fiscal. Il importe dans un premier temps de définir les objectifs de l'audit fiscal ainsi que le statut de l'auditeur fiscal (chapitre 1). Dans un second temps, il convient de porter un regard critique sur les objectifs ainsi définis afin de s'interroger sur leurs spécificités et, au-delà, sur la spécificité même de l'audit fiscal. Il faut rechercher si de tels objectifs ne se retrouvent pas dans d'autres missions d'audit, comme l'audit financier ou l'audit juridique. Il est nécessaire de dissocier l'audit fiscal de missions voisines; l'existence de l'audit fiscal implique l'autonomie de l'audit fiscal (chapitre 2).

La deuxième partie prend un aspect professionnel et s’intéresse à la définition d’une démarche professionnelle d’audit fiscal à laquelle est appelé l’expert-comptable. En effet, la mise en œuvre de l'audit fiscal nécessite la mise en place d'une démarche professionnelle basée sur les risques. Dans ce cadre, le premier chapitre commence par une prise de connaissance générale de l’entité auditée et une évaluation du contrôle interne et de son système d’information fiscal. Après avoir recensé dans la première phase de son intervention les caractéristiques fiscales de l'entreprise, l'auditeur fiscal est conduit à mettre en œuvre le niveau de maturité de la gestion du risque fiscal de l'entité. Le niveau de maturité ainsi déterminé conditionne la nature, le calendrier et l'étendue des procédures d’audit (chapitre deuxième).

La démarche proposée par l’expert-comptable aboutit à l’élaboration d’un rapport d’audit fiscal. Ce rapport permet à l’entreprise d’avoir une évaluation d’expert mesurant d’une manière raisonnable son degré de conformité aux lois fiscales (la sécurité fiscale) et l’utilisation optimale des options et choix fiscaux disponibles (efficacité fiscale). Il permet aussi de suggérer au niveau de son plan d’amélioration des recommandations permettant d’éviter que les irrégularités se reproduisent dans l’avenir.

La mémoire sera enrichi par un guide des vérifications comptables à vocation fiscale permettant à l'auditeur fiscal la validation de la charge d'impôt ainsi que l'identification et la quantification des risques fiscaux auxquels l'entité auditée peut se trouver exposer du fait de l'inobservation des règles fiscales.


[1] M.Chadefaux, J.L.Rossignol, "La performance fiscale des entreprises", Revue du Droit Fiscal n°30-35,27 juillet 2006, p.1450.

[2] Op. cit, page 1450.

[3] J.L.Rossignol, T.T.Kim Anh,"La gestion du risque fiscal inhérent à l'implantation d'une entreprise dans un pays émergent: Le cas Français au Vietnam", CIDEGEF (Conférence Internationale des Institutions d'Enseignement Supérieur et de Recherche de Gestion d'Expression Française).

[4]Op. cit.

[5] K.Ayadi Loukil, La gestion du risque fiscal dans les PME: Elaboration d'un manuel de gestion du risque fiscal, mémoire pour l'obtention du diplôme d'expert-comptable , Faculté des Sciences Economiques de Gestion de Sfax, 2007-2008, p.3.

[6] Ernest & Young, 2004, " Bonne gouvernance et gestion des risques sensibilisent les entreprises aux questions d'ordre fiscal".

[7] M.H.Pinard-Fabro, Audit fiscal, Editions Francis Lefebvre, 2008, p.13.

[8] Op. cit, page 14.

[9] Op. cit, page 14.

[10] CHOYAKH (F.), La gestion du contrôle fiscal et le rôle de l'expert-comptable, mémoire pour l'obtention du diplôme d'expert-comptable, Faculté des sciences économiques et de gestion, Sfax, 2006.