Les compétences comportementales dans les missions de commissariat aux comptes : Identification et développement

 

 Par : Feïda BOUAZIZ

Expert comptable

 

 

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A notre époque, une grande importance est accordée aux comportements. Le dictionnaire Encyclopédique Universel définit les comportements comme étant l’ensemble de réactions, des conduites conscientes et inconscientes d’un sujet, il s’agit de la manière d’agir.

Plusieurs auteurs ont étudié le comportement humain dans les organisations de travail, certains l’ont appelé comportement organisationnel. Selon Benabou, « le comportement organisationnel est la science du comportement humain, visant à expliquer, prédire et promouvoir l’adaptation des individus, des groupes et des organisations à leurs environnements internes et externes » (Benabou et Abravanel, 1986, p 8). Pour ce faire, l’individu devrait posséder des compétences comportementales.

Les compétences comportementales sont appelées aussi compétences émotionnelles. Selon  Goleman (1999, p 39) «  la compétence émotionnelle est une capacité acquise fondée sur l’intelligence émotionnelle et sans laquelle une performance professionnelle hors pair est  impossible ». L’expression Intelligence émotionnelle est apparue pour la première fois dans une série d’articles scientifiques rédigés par Mayer et Salovey (1990, 1993) : « L’intelligence émotionnelle nous permet de penser de façon créative et d’utiliser nos émotions pour résoudre des problèmes…. La personne dotée d’intelligence émotionnelle présente des habiletés dans les quatre domaines suivants : l’identification des émotions, l’utilisation des émotions, la compréhension des émotions et l’ajustement des émotions » (Kierstead, 1999, p 1). Ainsi, une nouvelle conception de l’intelligence vient de s’intégrer dans l’approche de management des compétences dans les entreprises et les organisations professionnelles. Ce sujet a été popularisé par la récente parution de nombreux ouvrages relatifs à l’application de l’intelligence émotionnelle au travail dont notamment celle de Goleman (1997, 1999, 2005).

Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéresserons à un facteur qui a fait l’objet de plusieurs recherches dans les pays les plus développés (USA, Canada, Suisse …) mais qui est, à notre connaissance, insuffisamment considéré en Tunisie : c’est la notion de compétence comportementale.

Le thème général de notre travail sera donc les comportements professionnels, appliqués pour les missions de certifications des comptes. En nous appuyant sur les récentes recherches sur les comportements au travail, nous constatons que les critères d’excellence dans les professions les plus difficiles,  et de réussite des grandes entreprises et organisations du monde, ne sont plus les compétences techniques et cognitives uniquement, mais ces dernières doivent être associées aux compétences comportementales[1]. Ce type de compétences « devient ainsi une problématique fondamentale pour la réussite et la performance et, par conséquent, le développement que ce soit à l’échelle de l’individu, à l’échelle de la famille, à l’échelle de l’entreprise, à l’échelle d’une profession, à l’échelle des institutions et, plus encore, à l’échelle de la communauté nationale » (Yaich, 2005, p 1).

La profession de commissaire aux comptes est une des professions qui nécessitent l’ensemble de ces compétences. En fait un commissaire aux comptes est compétent lorsqu’il sait agir dans un contexte particulier, c'est-à-dire, lorsqu’il utilise d’une façon appropriée ses « savoirs », « savoir faire » et « savoir être ».

En Tunisie, comme dans nombreux pays du monde, le recours aux services du commissaire aux comptes est devenu d’une importance cruciale dans le fonctionnement de la vie économique. En fait, les états financiers, représentant la synthèse de l’activité de l’entreprise, servent comme base d’évaluation, de prise de décision ou de diagnostic pour les différents agents économiques. D’où la nécessité de fournir et de publier des informations fiables, régulières et représentant une image fidèle de l’entité. C’est l’intervention du commissaire aux comptes qui donne une assurance sur la qualité de l’information financière présentée par les dirigeants.

En revanche, le métier de commissaire aux comptes, comme plusieurs autres métiers organisés, passe par une problématique à savoir : la pression des clients, les conflits d’intérêts entre directeurs d’entreprises et les utilisateurs des états financiers, et, l’environnement qui est devenu de plus en plus concurrentiel aussi bien pour les entreprises que leurs auditeurs.

Pour faire face à toutes ces contraintes, la réussite du commissaire aux comptes consistant à développer son activité et à pratiquer un audit de qualité est conditionnée non seulement par ses connaissances théoriques et techniques, mais aussi par sa façon de se comporter lui-même et avec les autres, et par sa capacité à gérer et à maîtriser le risque du métier.

Concrètement, le questionnement général auquel nous cherchons à répondre est le suivant : Quelles sont les compétences comportementales nécessaires pour la réussite dans les missions de commissariat aux comptes ?

Le commissariat aux comptes  est l’un des métiers de la profession comptable. Si ce métier est lié aux autres métiers comptables (tenue de comptabilité, assistance et consulting) par des traits communs, il se distingue par certaines spécificités.

En matière de comportement, il y a lieu de distinguer entre les compétences comportementales professionnelles (nécessaires pour l’exercice des métiers comptables en général) et, les compétences comportementales qui déterminent la réussite des commissaires aux comptes dans leurs missions de certification.

Il en résulte que notre problématique sera scindée en deux sous questions auxquelles nous tenterons de répondre, à savoir :

-         Quelle est l’importance des compétences comportementales pour l’exercice de la profession comptable et spécifiquement pour les missions de commissariat aux comptes ?

-         Quelles sont les compétences comportementales permettant à un commissaire aux comptes d’être parmi les meilleurs ?

Pour répondre à ces questions, nous effectuerons une revue de la littérature traitant du thème choisi et nous appuierons ces idées par les résultats d’une enquête réalisée à l’aide d’un questionnaire auprès des professionnels experts comptables membres de l’ordre des experts comptables de Tunisie (OECT) exécutants des missions de commissariat aux comptes.

Notre travail sera présenté donc en deux parties correspondant à deux finalités complémentaires :

Dans la première partie, nous montrerons l’importance des compétences comportementales pour les professionnels (comptables et commissaires aux comptes).

Les compétences comportementales comptables sont les qualités personnelles et les attitudes communes utiles à l’exercice de plusieurs métiers comptables. Elles seront l’objet du premier chapitre.

Pour toute mission de commissariat aux comptes, l’objectif principal est d’arriver à émettre, au moment opportun un avis professionnel raisonnable, étayé et documenté sur les états financiers audités, après la mise en œuvre de tous les moyens nécessaires (matériels, techniques et humains). Exerçant un métier à risque par excellence, le commissaire aux comptes doit identifier pour chacune des phases de la mission les risques associés afin de définir les règles et les outils de les gérer et de les contrôler. Pour ce faire, il doit s’appuyer non seulement sur ses compétences techniques, dont l’application de l’éthique fait partie intégrante, mais également sur ses valeurs et vertus professionnelles; et ce dès la phase d’acceptation de mission jusqu’à la formulation de l’avis et la communication des rapports. D’où l’importance des compétences comportementales pour les missions de commissariat aux comptes qui sera traitée au niveau du deuxième chapitre.

A partir des enquêtes de Goleman qui ont eu pour objet le comportement des professionnels d’exceptions « c’est la compétence émotionnelle qui fait la différence entre les meilleurs et les moins bons » (Goleman, 1999, p 50). De ce fait, nous nous intéresserons, au niveau de la deuxième partie de ce travail, aux comportements des commissaires aux comptes qui déterminent leurs réussites et  leur excellence.

La réussite d’une mission de commissariat aux comptes dépend de la qualité d’audit, du degré de satisfaction des parties prenantes de l’entreprise auditée, et de l’existence d’un climat émotionnel positif au sein du cabinet. Ces critères sont conditionnés par les comportements des collaborateurs et les comportements des chefs de cabinets.

Pour être parmi les meilleurs, le commissaire aux comptes doit diffuser un climat favorable au développement des compétences comportementales, qui fera l’objet du premier chapitre, et doit posséder un ensemble de compétences comportementales critiques : c’est la notion de seuil critique de compétences comportementales qui sera présentée au niveau du deuxième chapitre.

La présentation de l’enquête et l’analyse des résultats feront l’objet du troisième chapitre.


 

[1] Dans les développements qui suivent, nous utiliserons les termes « intelligence comportementale » pour parler de l’intelligence émotionnelle, et « compétences comportementales » pour désigner les compétences émotionnelles.